En 1966, le monde connaît de grands bouleversements : la France tourne le dos à l’OTAN, la révolution culturelle débute en Chine, l’Argentine est confrontée à un coup d’État militaire… Cette même année, Gérard Oury réalise La Grande Vadrouille, sans mesurer alors que son film allait rencontrer un succès aussi phénoménal et quasi planétaire, imposant définitivement le burlesque à la française et deux acteurs de génie, André Bourvil et Louis de Funès, qui s’amusent à forcer les traits de leurs « caractères » à la manière de la commedia dell’arte.
Entre farce et tragédie, un peu comme il le fera en 1973 avec Les Aventures de Rabbi Jacob, Gérard Oury raconte à sa façon une histoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance, qui fait se rencontrer deux personnages que tout oppose : un maestro de l’Opéra de Paris, caricature d’Herbert von Karajan et de Sergiu Celibidache, autoritaire et prétentieux, et un petit peintre en bâtiment, timide et modeste. Le film se déroule en 1942 alors qu’un avion anglais est abattu par les Allemands au-dessus de Paris. Les trois pilotes sautent en parachute et atterrissent dans différents lieux de la capitale. En les aidant à passer en zone libre, nos deux civils bien franchouillards vont devenir malgré eux des héros de la Résistance. Film haletant, plein de rebondissements et de facéties, La Grande Vadrouille, dont le titre ne va pas sans évoquer en creux le chef d’œuvre de Jean Renoir, La Grande Illusion, parle aussi à sa façon de l’horreur de la guerre, mais sauve l’humanité par cette touche d’humour qui fait tout le sel de l’esprit du Schnorrer exprimant la force de l’humour juif qu’on avait vu à l’œuvre dans Le Dictateur de Charlie Chaplin.

JEAN-MAX MÉJEAN, écrivain et critique de cinéma, est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur les cinéastes Federico Fellini, Woody Allen, Pedro Almodovar, Emir Kusturica, Sergueï Paradjanov et Jean Vigo notamment. Il a également dirigé, entre autres, Philosophie et Cinéma (CinémAction, 2000) et Comment parler cinéma ? (L’Harmattan, coll. Champs Visuels, 2005). Il collabore à la revue Jeune Cinéma et au site www.iletaitunefoislecinema.com.

LISEZ LES PREMIÈRES PAGES

Retour en haut