En quelque trente-cinq ans et vingt-six films, de L'Horloger de Saint-Paul (1974) à Dans la brume électrique (2009), Bertrand Tavernier a construit une oeuvre qui, pour être étonnamment diverse, n'en est pas moins profondément cohérente, en prise sur la vie, ouverte sur le monde, enracinée dans des espaces et des paysages qu'il filme comme personne.

S'il aime s'immerger dans le passé, ancien (Que la fête commence) ou plus récent (Le Juge et l'assassin, La Vie et rien d'autre, Laissez-passer), c'est pour rechercher comment l'Histoire a forgé les hommes d'aujourd'hui. Si son regard sur la société contemporaine est parfois rempli de colère (L.627, L'Appât, Ça commence aujourd'hui), c'est parce qu'il fuit plus que tout la dérision et le cynisme, croyant profondément que le cinéma peut changer le monde. Si tous ses films, par-delà la variété de leurs sujets, parlent des rapports entre les générations et si certains sont entièrement consacrés à la famille (Un dimanche à la campagne, Daddy Nostalgie), c'est parce qu'il est hanté par la question de la transmission, transmission d'un savoir, de valeurs, d'un amour, qui donne un sens à la vie humaine.

Ce volume présente et analyse l'oeuvre vibrante et mélancolique d'un metteur en scène jamais résigné, qui déclare simplement : "Je filme ce qui me fait mal, me choque, me bouleverse."

Avec seulement huit films à son actif, Kusturica a réussi à se faire aimer, autant pour ses images que pour sa musique, même s'il a la réputation d'être un géant barbu pas si tendre que ça. Un géant créateur d'images, inventeur d'un monde magique où résonnent les voix des femmes, et les orchestres des mariages et des enterrements. Un univers où Chagall et Fellini auraient rencontré les Gitans. Kusturica est devenu l'un des cinéastes les plus à ses idées et à ses engagement, à Cannes en mai 2005 et, plus récemment, en novembre 2005 en Argentine pour critiquer la politique américaine. Délibérément provocateur, poète, humaniste, inventeur d'un monde magique et décalé, il n'hésite pas à jouer avec la vie et les sentiments dans des films devenus depuis longtemps cultes : Papa est en voyage d'affaires (Palme d'Or à Cannes en 1985), Le Temps des Gitans (Prix de la mise en scène à Cannes en 1989), Arizona Dream, Underground (Palme d'Or à Cannes en 1995), La Vie est un miracle. Jean-Max Méjean a tenté de mieux cerner son oeuvre, film par film - y compris ceux en voie de réalisation, comme Promets-le moi et Maradona -, dans une perspective à la fois poétique, politique et sincère.

Tout en décryptant l'oeuvre intransigeante et provocatrice de Jean-Luc Godard, cette monographie très documentée et abondamment illustrée suit un itinéraire chronologique qui débute avec ses premiers courts métrages et s'arrête sur ses projets en cours. Elle montre comment son nom et son personnage restent liés à l'explosion de la Nouvelle Vague, avec des films-culte tels qu'A bout de souffle, Pierrot le fou, La Chinoise et Week-end, mais aussi la façon dont ses films se sont distingués, durant ces vingt dernières années, par leur originalité complexe et leur inventivité. A travers ses 90 réalisations, parsemées de rébus et de clin d'oeil littéraires, le lecteur, qui est aussi un spectateur en devenir, assiste à la visualisation d'une pensée toujours en mouvement, faite de surimpressions elliptiques à déchiffrer sous le réseau subtil des images et des sons.

Brian De Palma a commencé sa carrière de réalisateur à la fin des années soixante, à un moment où le système hollywoodien tout entier traversait une période de changements radicaux. Avec le temps et l'aide d'autres cinéastes de sa génération tels que Spielberg, Martin Scorsese ou George Lucas, il a contribué à une transformation profonde du cinéma américain. Ses films ont rénové le langage neutre et presque aseptisé du cinéma classique, qu'il a délaissé pour un style plus intense et plus personnel, un style baroque et nourri de citations qui oblige souvent le spectateur à s'interroger sur la façon même de regarder un film.

Tout en suivant l'itinéraire biographique du grand réalisateur, agrémenté et documenté de nombreuses illustrations, ce livre fait revivre toute sa carrière depuis le début jusqu'à ses dernières productions, parmi lesquelles le film très discuté Mission to Mars et sa toute dernière oeuvre Femme fatale, interprétée par Antonio Banderas et Rebecca Romijn-Stamos. Il évoque non seulement les éléments thématiques et formels qui caractérisent ses réalisations, mais aussi les fluctuants aléas des recettes qui ont accueilli ses différents films et ont été déterminants pour établir son autonomie plus ou moins grande par rapport aux grandes firmes cinématographiques.

Auteur de treize films de 1959 à 1999 (Classe tous risques, L'Arme à gauche, Les Choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Vincent, François Paul et les autres, Mado, Une histoire simple, Un mauvais fils, Garçon !, Quelques jours avec moi, Un coeur en hiver, Nelly et M. Arnaud), Claude Sautet a marqué de sa forte personnalité le cinéma français de ces quarante dernières années. Sous une apparente étude de société, ce directeur d'acteurs hors pair décrit sans concessions et avec beaucoup d'amour des personnages en proie à leurs problèmes quotidiens et existentiels. Perfectionniste, passionné, Sautet n'a jamais eu de cesse de traquer les sentiments humains tout au long d'une carrière où il exerça aussi avec bonheur le métier de scénariste.

Ce volume retrace, film après film, les années de cinéma du metteur en scène et propose une lecture tantôt thématique, tantôt sémantique de sa production. Tout au long de ce livre, se dessine un parcours éclectique qui voit Claude Sautet abandonner très vite le film de genre de ses débuts (Classe tous risques, L'Arme à gauche), pour se lancer à partir des Choses de la vie dans des films plus intimistes (César et Rosalie, Vincent François Paul et les autres, Mado, Une histoire simple, Quelques jours avec moi, Un coeur en hiver), dans lesquels transparaît une sensibilité à fleur de peau. Essayant toujours d'aller plus loin, expérimentant des variations sur des thèmes qui lui étaient chers, craignant toujours d'en faire dire trop à ses personnages, tout en nuances, Claude Sautet déclara après avoir tourné son dernier film, Nelly et M. Arnaud : "Je réalise avec le recul que, malgré toute l'énergie que j'ai pu mettre dans chaque nouveau projet pour le rendre différent, au final, je n'ai pas arrêté de refaire le même film toute ma vie".

Un nouveau livre sur Woody Allen qui apporte un regard différent sur tous ses films et surtout qui tente d'offrir une approche analytique d'une oeuvre divertissante et complexe à la fois. En effet, Woody qui rit et Allen qui pleure sont les deux facettes d'un créateur qui plonge son inspiration dans le burlesque traditionnel mais aussi dans la magie, et qui s'inspire des plus grands cinéastes de la très riche histoire du cinéma mondial. Jean-Max Méjean, comme il avait su le faire pour Federico Fellini, propose ici une analyse de Woody Allen qui n'oublie aucunement l'aspect philosophique de son travail, ni son aspect psychologique. Le livre tente donc de percer le mystère d'un créateur prolifique et ponctuel qui, chaque année, donne rendez-vous à son imagination et essaie de comprendre les névroses de ses personnages et du monde qui les entoure. New York, la femme, le comique, la judéité, la psychanalyse, l'hypocondrie, la misanthropie parfois, le rire et les larmes sans oublier la solitude et le désarroi, tous ces archétypes sont convoqués pour brosser un portrait quasi complet d'un des plus grands cinéastes vivants. Entre drame et comédie, un cinéma à l'image de notre vie, revue et corrigée par un grand illusionniste. On sort alors de cette lecture, un peu envoûté comme Alice, avec pour seule envie, celle de clamer : Tout le monde love you Woody.

Auteur de dix films depuis 1976 (Je suis un autarcique, Ecce Bombo, Sogni d'oro, Bianca, La Messe est finie, Palombella rossa, La cosa, Journal Intime, Aprile, La Chambre du fils), Nanni Moretti est la figure dominante du jeune cinéma italien. Dans une veine de nature faussement autobiographique, cet "autarcique" s'inscrit en témoin attentif d'une Italie traversée de crises politiques et sociales dont il nous renvoie le reflet tantôt comique, tantôt inquiétant. Il est aussi analyste plein d'humour des fêlures comportementales qui affectent des individus sans repères.

Nanni Moretti, utilisant la comédie comme moyen de communication, jouant de son étonnante personnalité d'acteur, est un moraliste qui se place et qui nous place dans une situation inconfortable. Tour à tour étudiant, cinéaste, professeur, prêtre, homme politique, joueur de water-polo, avant d'être directement lui-même à l'écran puis de s'investir dans un rôle de psychanalyste, Moretti est un peu la conscience du cinéma italien, l'observateur lucide et ironique d'un pays en proie à ses démons, à ses fantasmes.

En cinquante ans d'activité, Kubrick n'a réalisé que treize longs métrages, mais le degré de perfection technique, et l'intensité avec laquelle il a traité certains sujets lui ont valu une réputation d'intellectuel provocateur, et de véritable génie du cinéma (sans jamais pourtant obtenir d'Oscar, à l'image de Welles ou d'Hitchcock). Des titres comme Lolita, Le Docteur Folamour, 2001 : L'Odyssée de l'espace et Orange mécanique font à jamais partie du langage courant. Les personnages et les images de Spartacus, Shining et Full Metal Jacket ont marqué l'imaginaire des cinéphiles et sont devenus des références incontournables (y compris dans la publicité, dans les clips vidéo et dans les dessins animés comme "Les Simpson").

Cette monographie n'est pas consacrée au Kubrick mythique - qui a étrangement alimenté la fantaisie journalistique ; mais exclusivement à l'analyse de ses oeuvres. On y découvrira nombre d'anecdotes, de notations techniques et de faits méconnus, auxquels viennent s'ajouter des photos souvent inédites. Tous ses films - de L'Ultime razzia à Eyes Wide Shut son dernier film et le plus controversé, en passant par Barry Lindon et Les sentiers de la gloire -, sont replacés dans le parcours artistique du réalisateur, mais également dans le contexte culturel plus large de l'histoire du cinéma et de la société américaine, et analysés avec compétence par l'auteur, dans cet ouvrage que l'on peut considérer comme "définitif" sur le grand cinéma de Stanley Kubrick.